Classé par le GIA en 1988 et 1996, le célèbre diamant Hope (également connu sous les noms de Bleu Tavernier et Bleu de France) est une taille coussin antique brillante de 45,52 carats, d'un bleu gris foncé de pureté VS1. Cette gemme exceptionnelle a résisté à l'épreuve du temps, laissant dans son sillage un héritage aussi exceptionnel que son éclat. De sa découverte mystérieuse en Inde à son statut d'icône exposée, ce diamant a traversé des siècles d'histoire, emportant avec lui légendes et récits intrigants.
Les diamants bleus : une merveille chimique
Les diamants bleus sont très rares. Leur couleur bleue, due à la quantité infinitésimale d'atomes de bore dans leur structure cristalline (type IIb dans la classification des diamants). La couleur peut varier de très pâle à très profond. Une autre caractéristique de ces diamants est leur phosphorescence rouge très prononcée lorsqu'ils sont exposés à la lumière ultraviolette.
Les diamants bleus ne représentent que ≤0,02 % des diamants extraits dans le monde. On ne les trouve qu'en Afrique du Sud (mine Cullinan), au Botswana (mines Orapa et Karowe) et en Inde (mine Kollur). Parmi ces 0,02 %, seul 1 % est d'un bleu aussi profond que le diamant Hope.
L'aventure initiale : Jean-Baptiste Tavernier
L'histoire du diamant Hope commence en 1642, lorsque le marchand français Jean-Baptiste Tavernier part pour l'Asie. En Inde, il acquiert une collection de plusieurs milliers de pierres précieuses, dont un exceptionnel diamant brut de 115 carats de couleur bleu-violet foncé. Ce diamant est rapidement baptisé "Bleu Tavernier".
À l'époque, l'Inde était le premier fournisseur mondial de diamants et la découverte de gemmes exceptionnelles n'était pas rare. Bien que la date exacte de la découverte du diamant reste incertaine, on estime qu'il a été extrait de la mine de Kollur au début des années 1600.
Le Roi-Soleil et la révolution
En 1673, le roi de France Louis XIV tombe sous le charme du diamant et l'achète avec 47 autres gros diamants en échange d'un titre de noblesse et d'une tonne d'or. Rebaptisée "Diamant bleu de la Couronne" ou "Bleu de France", la pierre est taillée par Jean Pittan, le joaillier officiel de la cour, ce qui réduit son poids à 69 carats. Chef-d'œuvre de l'art lapidaire baroque français avec ses 72 facettes et sa symétrie de 7e ordre, le diamant est orné d'une rose centrale. Il est devenu le joyau central de la broche de la Toison d'or, incarnant la grandeur et l'opulence de la monarchie française de l'époque. Chef-d'œuvre de l'orfèvrerie rococo, la Toison d'or comprenait également : un diamant bleu pâle pesant 32,62 carats, quatre diamants de quatre à cinq carats, 478 diamants plus petits (dont certains étaient peints en jaune et rouge), un spinelle pesant 107,88 carats et trois saphirs jaunes.
Louis XVI et Marie-Antoinette ont finalement hérité de la Toison d'or, mais en 1789, la Révolution française a mis fin à leur règne de manière sanglante. En 1792, le trésor royal est confisqué par les révolutionnaires et le Bleu de France figure parmi les bijoux volés. Après ce vol, le bijou disparaît pendant deux décennies, laissant derrière lui un voile de mystère. A partir de cet événement, des rumeurs de malédiction sont apparues, affirmant que toute personne en possession de la pierre serait condamnée au malheur.
Louis XIV et la toison d'or. Smithsonian institute and French natural History museum
L'énigme : deux diamants
Le XIXe siècle marque le retour, ou plutôt l'arrivée, du diamant Hope sur la scène mondiale. En 1812, un diamant bleu profond de 45,5 carats de taille coussin apparaît à Londres, deux jours après l'expiration du délai de prescription de 20 ans pour le vol en France. Il est acheté par le roi George IV, puis revendu à la mort du souverain britannique en 1830. Acquis plus tard par le banquier londonien Lord Henry Philip Hope, il a été rebaptisé "diamant Hope".
Les spéculations sur le lien entre le diamant Hope et le diamant Bleu de France perdu pendant la Révolution française allaient bon train. Le théoricien le plus connu est le joaillier Charles Barbot. En 1856, Barbot compare les diamants en se basant sur deux gravures imprécises de Lucien Hirtz - la seule représentation connue du Bleu de France à l'époque - dans l'ouvrage de l'historien Germain Bapst. La spéculation n'a été confirmée qu'en 2007, lorsqu'un modèle en plomb de la taille de 45 carats du diamant Hope a été découvert au Muséum national d'histoire naturelle à Paris. Des répliques réalistes des diamants originaux et des modèles informatiques ont confirmé la transformation du diamant Hope à partir du Bleu de France. Des recherches plus approfondies dans les archives du musée ont permis de découvrir des documents indiquant qu'"un certain Charles Achard, donateur du plomb [au musée] et bijoutier à Paris, a laissé une indication selon laquelle le diamant français avait appartenu à son client "M. Hoppe de Londres"".
Dessin des différentes retailles du diamant Hope. Smithsonian institute et French natural History museum
Propriétaires successifs et malédiction
Le diamant Hope est resté dans la famille Hope jusqu'au début des années 1900, lorsque Lord Francis Hope l'a vendu pour éponger ses dettes. Depuis, il a changé plusieurs fois de propriétaire, passant entre les mains de collectionneurs privés et de joailliers renommés, jusqu'à ce qu'il parvienne à Cartier en 1910.
L'année suivante, l'héritière américaine Evalyn Walsh McLean l'a reçu en cadeau de son mari Edward Beale McLean, propriétaire du Washington Post. Le bijou a été serti dans un collier par Pierre Cartier. Malgré sa réputation de diamant maudit, McLean succombe au charme de la pierre et l'achète avec une clause de remplacement en cas de malheur. Pour apaiser les craintes du couple, Pierre Cartier s'engage à échanger le diamant contre des bijoux de valeur équivalente si Evalyn ou son mari décèdent dans les six mois.
Le Washington Post publie en 1908 un article intitulé "Hope Diamond has brought trouble to all who have owned it" (Le diamant Hope a apporté des ennuis à tous ceux qui l'ont possédé), suivi d'un autre en 1911 contenant une liste des victimes supposées de la malédiction. La malédiction finit par rattraper la nouvelle propriétaire : son fils est tué dans un accident de voiture, sa fille meurt d'une overdose et son mari alcoolique la quitte pour une autre femme et finit sa vie dans un hôpital psychiatrique. Evalyn McLean est décédée d'une pneumonie à l'âge de 60 ans en 1947.
La conquête américaine : Le diamant Hope au Smithsonian
Deux ans après la mort de Mme McLean, le joaillier Harry Winston acquiert l'ensemble de sa collection de bijoux, dont la célèbre pierre bleue. En 1958, il en fait don à la Smithsonian Institution de Washington. Pour rendre le transport du diamant Hope aussi discret et sûr que possible, Winston l'envoie à la Smithsonian par la poste dans une simple enveloppe kraft, créant ainsi une fausse piste pour les journalistes.
Depuis, cette rare beauté est exposée aux yeux du monde entier, mettant fin au halo de malheur qui l'entourait. Estimé à 464 millions de dollars canadiens, le diamant Hope continue de fasciner et d'attirer des millions de visiteurs chaque année.
Article rédigé par Lucille Daver pour le magazine canadien Jewellery Business :
References
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