Introduction
Le collier Napoléon est l'un des bijoux les plus spectaculaires du XIXème siècle. C’est une rivière de diamant simple et élégante constitué d'un seul fil d'argent avec des montures en or contenant 234 diamants pour un total de ~263ct, le plus gros diamant pesant ~10,4 carats. Il est actuellement exposé à la Smithsonian Institution à Washington, dans la Gem Gallery du National Museum of Natural History, à côté du diadème de Marie-Louise, deux icônes historiques et deux des pièces de joaillerie les plus spectaculaires de l'époque.
Le collier de diamant de Napoléon
Rivière de diamant
Le collier de diamants Napoléon se compose actuellement de 28 diamants sertis d'un seul fil, avec une frange de diamants de taille alternée old mine, rose, poire, pendeloque et briolette. Au-dessus de chaque poire est monté un petit brillant, tandis que les quatre ovales sont attachés à des motifs décorés de 23 diamants plus petits. Chacune des 10 briolettes est sertie de 12 diamants taille rose. Les diamants sont incolores à jaunâtre provenant du Brésil et de l'Inde. Les gemmes du collier de diamants Napoléon n'ont jamais été retirées de leurs montures et donc jamais classées professionnellement par un gemmologue. Cependant, une analyse de spectroscopique FTIR des diamant 52 gros diamants (~2.5–10.4 ct) indique que 39 sont de type Ia (présence d’impureté d’azote dans la structure) et 13 sont du rare type IIa (aucune impureté dans la structure).
Le collier de diamants de Napoléon exposé sous (1) lumière visible (2) lumière UV. GIA
Détails du collier de diamants de Napoléon. GIA
Un cadeau extravagant
L’origine de ce collier prend place en France, il y à plus de 200 ans lors du règne de l’empereur Napoléon Ier. Faute de pouvoir lui donner un héritier, Napoléon Ier de France divorce de l'impératrice Joséphine en 1810 pour se remarier deux mois plus tard à l’archiduchesse Marie Louise d'Autriche. En moins d'un an, Marie Louise lui donne un fils : Napoléon II, l'empereur de Rome. Pour célébrer la naissance de leur fils Napoléon Ier commande alors deux parures, le diadème Marie Louise et une rivière de diamant, au fondateur de la maison Chaumet, le parisien Marie-Étienne Nitot. Joaillier-orfèvre officielle de l’empereur, Nitot avait été chargé de créer plusieurs autres pièces pour l'empereur dans le passé, dont la tiare papale de Napoléon, sa couronne de couronnement, son épée de cérémonie et les bijoux de mariage de sa première épouse, Joséphine de Beauharnais.
A cette époque, les sources modernes telles que l'Afrique du Sud et la Sibérie ne sont pas encore exploitées, les sources de diamant en Inde se tarissent et les nouvelles découvertes au Brésils sont décevantes : peu de diamant, souvent petits et jaunâtres. Ainsi l'utilisation excessive de diamants dans ce collier, était une démonstration délibérée d'extravagance de la part de Napoléon. Pour souligner cela, il fait évaluer la valeur du collier par un autre joaillier, Ernst Paltscho de Vienne, qui le cotera à 376 275 Fr. Cette somme équivalait à l'intégralité du budget annuel consacré à la toilette de l'Impératrice. Après la chute de Napoléon et son exile à l’ile Sainte-Hélène, Marie-Louise retourne en 1815 auprès de sa famille, les Habsbourg à Vienne, en Autriche, emportant tous ses bijoux, y compris ce collier. Elle le conservera et continuera à porter le collier lors d'occasions publiques jusqu'à sa mort en 1847.
Marie Louise d'Autriche, duchesse de Parme et de Plaisance par Giovanni Battista Callegari, 1835 (Museo Glauco Lombardi, Parme)
L'héritages d'un trésor
À la mort de Marie-Louise en 1847, le collier fut remis à l'archiduchesse Sophie de Bavière, l'épouse de son frère l'archiduc François-Charles d'Autriche. A sa demande deux diamants sont retirés pour raccourcir le collier et les fera monter en boucles d'oreilles, dont l'emplacement est aujourd'hui inconnu. En 1872, le collier sera légué conjointement à ses trois fils survivants, les archiducs Charles-Louis, Louis-Victor et François-Joseph 1er d'Autriche (Karl Ludwig, Ludwig Viktor et Franz Joseph d'Autriche). Charles-Louis achète les parts de ses frères dans le collier et, à sa mort en 1896, le lègue à sa troisième épouse, Marie-Thérèse du Portugal. Elle le portera lors de nombreux événements officiels, y compris le couronnement du tsar Alexandre III en 1883, où il s'est avéré suffisamment populaire parmi les invités pour que le tsar a demandé qu'il soit exposé sous surveillance aux invités pendant plusieurs heures chaque jour pendant la semaine suivante.
(1) Marie-Thérèse du Portugal, archiduchesse d'Autriche
(2) Le collier de diamants de Napoléon, GIA
Escroquerie
Au début de la Grande Dépression en 1929, Maria Thérèse cherche à vendre le collier de diamants Napoléon ainsi que d'autres bijoux hérités pour renforcer les finances de la famille. Après avoir essayé de le vendre à plusieurs reprises sans succès par l'intermédiaire d'agents, d'abord à Fouad Ier d'Égypte, puis à un collectionneur privé aux Pays-Bas. Elle finit par engager un couple se présentant comme le colonel Townsend des services secrets britanniques et la princesse Gervez Baronti, fille du prince Baronti d'Italie, pour vendre le collier sur commission aux États-Unis pour 450 000$. Elle ignore alors que le duo présenté sous une fausse identité a enrôlé le neveu démuni de Marie-Thérèse, l'archiduc Léopold de Habsbourg, pour se porter garant d’eux contre une commission après la vente. Cependant, le duo d’escroc réalise très vite que les conditions économiques rendent presque impossible d'atteindre le prix demandé et commence des offres et demande à leur complice l'archiduc d’authentifier le collier auprès des acheteurs potentiels et crédibiliser l'histoire selon laquelle le collier était proposé au prix avantageux de 100 000 dollars parce que Marie-Thérèse avait désespérément besoin d'argent.
Le duo négocie la vente du collier, d'abord au joaillier new-yorkais Harry Winston, puis à un certain Harry Berenson de Boston, mais le vendent finalement à David Michel, un diamantaire new-yorkais, l'a finalement acheté pour 60 000 dollars.
Sur cette somme, garde 53 730 $ dollars pour couvrir leurs "dépenses liées à la vente", dont 20 000 dollars pour Léopold.et envoie les 7 270 $ restant à Marie-Thérèse sur les 450 000 $ promis. Cependant, avant la vente, Marie-Thérèse avait révoqué l'autorisation de vendre le collier accordé au duo Townsend et envoyé un émissaire à New York pour récupérer les diamants. Maria Thérèse sollicita alors l’aide de son amie Anna Eisenmenger, épouse de Victor Eisenmenger pour récupérer ses biens. Eisenmenger contactera l’acheteur qui acceptera de restituer le collier pour 50 000 $. Subissant ainsi une perte personnelle de 10 000 $, Maria Thérèse porte alors l'affaire devant les tribunaux, ce qui aboutit finalement à la récupération du collier, à l'emprisonnement de l'archiduc Léopold accusé de complicité et de grand vol pour vol des bénéfices, et à la fuite de Townsend et Baronti alors accusé de vol qualifié. Le 1er mars 1930, le New York Times rapporte le scandale accompagné des premiers rapports selon lesquels les Townsend avaient retiré plusieurs diamants du collier pour les vendre séparément. Ces informations se sont révélées fausses, mais le duo a fui le pays et n'a jamais été arrêtés.
Aux yeux de tous
Après cet incident, le collier restera dans la famille des Habsbourg jusqu'en 1948, date à laquelle le petit-fils de l'archiduc, le prince François-Joseph de Liechtenstein, le vendit à Paul-Louis Weiller industriel français et mécène qui le revendra en 1960 à Harry Winston. Celui-ci considère que la valeur historique de la pièce la rend plus précieuse que si les diamants étaient enlevés et revendues individuellement comme c'était pourtant la pratique courante à l'époque, permettant ainsi au collier de rester intact. La même année, Marjorie Merriweather Post achète le collier, dans son écrin d'origine aux couleurs officielles de l'impératrice (vert et or) et portant ses initiales et en a fait don à la Smithsonian Institution en 1962.
(1) Le collier de diamants de Napoléon exposé à la Smithsonian Institution à Washington D.C., États-Unis.
(2) Écrin original du collier de Napoléon (21,8 cm de diamètre), fabriqué à Paris par Gruel. Il fait également partie de la Smithsonian National Gem Collection. Photos de Kenneth Larsen. GIA
Article rédigé par Lucille Daver pour le magazine canadien Jewellery Business :
Références
Bratter H. (1971) The Napoléon Necklace. The Log of the Circumnavigators Club, Vol. 1, pp. 5–16.
Durand, S. C. (1886). Napoleon and Marie-Louise, 1810-1814: A Memoir. S. Low, Marston, Searle & Rivington.
Gaillou, E., & Post, J. E. (2007). AN EXAMINATION OF THE NAPOLEON DIAMOND NECKLACE. Gems & Gemology, 43(4).
Nicolet C.C. (1930) $400,000 necklace found; Crain to quiz Archduke. New York Telegram, March 1st.
Paltscho E. (1811) Détails des pierres au collier diamants. National Archives of the French State, file # 024I.
"Recent Research on the Napoléon Diamond Necklace", National Museum of Natural History. Retrieved October 19, 2008.
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